Chapitre 1 : Le béton en héritage
Les propriétaires se sont décidés : nous restaurerons ce pigeonnier unique en son genre. Et pour le faire correctement, il faut commencer par l’étudier.
Au premier coup d’œil, ses moulures, ses ornements, ses appareillages font penser à de la pierre sculptée. Mais a y regarder de plus près, cet édifice a été bâti en blocs et en pièces de béton moulé. Des moules en pagaille, des moules en excès : une boule au sommet, des rosaces, des corniches, des bandeaux, des consoles, des frises… pas moins de 35 moules ! Pour ce seul pigeonnier.
Mais qui a bien pu concevoir un tel bâtiment ? Pour accueillir des pigeons ?
A ce jour, on ne sait pas encore précisément: ni qui, ni quand. Des études sont en cours, il y a des indices, des hypothèses mais pas de certitudes. Cependant, tous les connaisseurs qui l’ont observé sont d’accord sur un point : un tel concentré de techniques au mètre carré tient de la démonstration.
Ceux qui l’ont conçu, ceux qui l’ont bâti voulaient faire étalage de tout leur savoir faire et ils ne se sont pas privés.
Du béton moulé… Il y a bien cet architecte : François-Martin Lebrun, un pionnier de l’usage du ciment dans la construction, un adepte du moule… pour béton. Et ce monsieur Lebrun a participé à l’embellissement d’une villa à Marssac en 1828 avec du ciment naturel, du béton et des moules… cette villa se trouve à 200 mètres du pigeonnier, mais…
Mais il semble que les techniques utilisées pour l’édifice qui nous intéresse soient trop avancées pour avoir été utilisées du vivant de notre architecte.
Il y a aussi ces graffitis, des noms, des dates inscrits à la sanguine : Marius Bonnel et 1895 pour les plus lisibles. L’écriture est clairement ancienne… Mais que nous apprend-t-elle vraiment ?
Des artisans qui signent leur œuvre ? Très peu probable. De jeunes hommes qui immortalisent leur passage ? Des militaires qui inscrivent leur date de naissance ? Nous ne saurons peut être jamais mais cela semble confirmer l’impression qui se dégage du lieu : le pigeonnier a été bâti quelque part dans la deuxième moitié du XIXème siècle.
Et si Lebrun n’est vraisemblablement pas son concepteur, ce petit bâtiment et l’éventail de techniques qu’il dévoile sont indéniablement son héritage.